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« La perspective actionnelle : les multimédias et le théâtre comme projet »

ATELIER : Le Choix des démarches à suivre

Arrate Domínguez et Hermelinda Puyod

Association K@leidòs, Zaragoza

« Quelle que soit la pièce qu’il joue,(…) la première et indispensable arme de l’acteur, c’est sa mémoire, la seconde, son corps, la troisième, sa voix ».

Philippe Caubère, Extrait de « Les Carnets d’un jeune homme » ( 1976-1981)

L’atelier théâtre constitue la cellule de base sur laquelle s’appuient les fondements du Projet Coup de Théâtre, qui depuis une dizaine d’années déjà est proposé aux élèves et aux professeurs de français de l’Aragon. L’atelier est le laboratoire où tout en jouant, se préparent nos jeunes apprentis d’acteurs, de la maternelle jusqu’en terminale, pour le moment venu, représenter leur établissement scolaire dans le Festival de Huesca ou d’ailleurs.

Les contenus d’un atelier théâtre, pouvant être très variés, répondent toujours à une démarche choisie au préalable par le professeur ou animateur, en fonction d’un but calculé : soit une performance concrète, soit un apprentissage théâtral de base, soit les deux en combinaison. Pour reprendre notre titre, le choix des démarches à suivre, aussi riches les unes que les autres, constitue l’enjeu de l’animateur, professeur, ou metteur en scène. Au fur et à mesure que l’atelier théâtre se déroule tout au long de l’année scolaire, l’animateur dessinera les séances en fonction des personnalités des élèves intégrant la troupe et les contenus de l’atelier seront orientés séance après séance autour des intérêts des élèves, donnant lieu à la pièce de théâtre finale, résultat incontestable du travail hebdomadaire au sein de l’atelier. Le public du projet Coup de Théâtre applaudit chaleureusement les pièces « sur mesure » reflétant les possibilités réelles des acteurs et qui montrent des élèves à l’aise dans leur jeu. Ceci dit, c’est au professeur ou animateur de préparer une pièce, soit basée sur les improvisations de l’atelier, soit de choisir une pièce de son auteur préféré et de la transmettre à ses élèves pour qu’ils s’en approprient, l’assimilent, la ressentent et la montrent. À signaler que tout type de texte est susceptible d’être mis en scène et d’être montré au public, pourvu que les personnages soient perçus comme vraisemblables, pourvu que le jeu d’acteur soit réussi, pourvu que nous arrivions à faire sortir l’énergie de nos élèves sur le plateau.

Le parcours d’atelier que nous vous proposons ici correspondrait à un groupe d’élèves du Secondaire ( 5ème) , hispanophones, étudiants de français deuxième langue, avec un niveau faible, A-1 ou des faux débutants. Il est évident que pour pouvoir faire passer les contenus théâtraux depuis le premier cours, il faudra avoir recours à de multiples ressources gestuelles. Les séances se passeront en français, mais vérifiant constamment la bonne compréhension, soit par la répétition gestuelle, soit par le mime, laissant la traduction comme dernière ressource.

La plupart des manuels de théâtre en milieu scolaire (voir la bibliographie Coup de Théâtre)* ou d’expression corporelle avec des élèves prévoient le schéma suivant pour une séance type :

-échauffement (il est conseillé de rentrer dans la répétition des mêmes exercices, voire  la même bande son, pour que les élèves améliorent petit à petit leurs gestes, et que, au moment de rentrer sur scène, avec le public dans la salle, nous puissions leur demander de le refaire et de retrouver par un geste simple, la concentration nécessaire pour se détendre et pour mieux jouer) Prévoir un petit temps au début de votre séance pour préparer vos élèves physiquement et mentalement au travail de l’atelier.

contenus choisis pour le travail de la journée (la voix, le texte, la mimique) il existe de nombreuses possibilités à développer à chaque sujet, que vous trouverez dans la bibliographie citée dans l’explication du Projet Coup de Théâtre*.

et action » Donnons aux élèves la possibilité de s’exprimer, de créer un petit sketch en petits groupes à être joué devant les autres. C’est notre moment d’observation de leurs adresses, de leurs possibilités, de leurs idées, de ce qui les intéresse, et pourquoi pas, de prendre de « leurs » idées pour créer une pièce finale qui les ressemble. Si nous envisageons une pièce déjà écrite, ce sera le moment de voir quel élève correspondrait mieux à chaque personnage pour ensuite le lui proposer.

Dans le cadre des Journées Pédagogiques de Santiago, les professeurs galiciens ont été invités à jouer le jeu de devenir pour un moment des élèves débutants en théâtre et en langue étrangère. En même temps, les exercices proposés étaient truffés d’explications qui faisaient appel à leur condition de professeurs, marquant ainsi la séance d’un but complètement pratique, prête à être réemployée par la suite, en classe ou en atelier.

* LA MARIONNETTE

Nous avons commencé par un exercice simple d’échauffement, appelé « la marionnette » qui a pour but de préparer notre corps pour être en disponibilité théâtrale.

Debout, en cercle, pieds un peu séparés, genoux un peu pliés, on sent son corps bien appuyé sur les plantes de ses pieds et on fait quelques respirations profondes. Faire bouger doucement les articulations, les bras, les épaules, la taille, la hanche, les genoux, les chevilles, le cou…. Une fois nos articulations prêtes, nous allons les mettre en jeu toutes en même temps. On invite les participants à jouer le rôle d’une marionnette à laquelle on couperait les fils. On s’étire sur la pointe des pieds,  jusqu’à essayer de toucher le plafond avec ses doits ; tout à coup, les fils de la marionnette sont coupés et on va tomber en se pliant sur nos articulations. Refaire, deux, trois fois.

* ON FAIT PAREIL

Cet exercice a pour but de détendre les participants et de serrer les liens au sein du groupe, tout en motivant les élèves à l’observation, source inépuisable du métier d’acteur.

En cercle, on s’avance, on donne son prénom accompagné d’un geste et /ou d’un mouvement, on recule. Le groupe refait exactement ce que chaque participant a présenté, en essayant d’imiter avec exactitude tous les gestes, les sons, les mouvements, même les hésitations ou les silences.

* LA HAIE

L’objectif de ce jeu est de mettre en confiance les élèves, de les préparer à cet état d’âme spécial, le lâcher-prise, nécessaire pour apprendre à se montrer tel que l’on est sur scène. En même temps, il a un côté ludique et travaille aussi la concentration.

On invite les élèves à occuper le plateau veillant à ne pas laisser des espaces libres et marchant chacun dans le sens qu’il préfère. On leur demande d’imaginer qu’ils se trouvent perdus dans une forêt et de suivre les consignes suivantes : « 1 », il faudra sauter une haie assez haute, « 2 », sauter très, très loin une rivière, « 3 », il faudra passer sous une branche trop basse, attention à la tête, « 4 », lion endormi, passer devant doucement, s’il se réveille, on est mangés.

*LES CROCODILES

Pour habituer  nos élèves à occuper l’espace scénique, on leur propose d’imaginer que le plateau est cloué au fin milieu sur un clou et qu’il faut le maintenir en équilibre. À chaque « toc » de l’animateur, ils sont demandés de s’arrêter net, on leur demande d’observer les parties non-occupées.

Variation 1 : On peut inviter à adopter différentes démarches selon un personnage imaginé par chacun: boiteux, petit enfant, femme enceinte, militaire, amoureux, vieillard…

Variation 2 : Fixer une démarche de son choix et réagir à l’histoire entendue :

« Ce matin, je descends en vitesse dans la rue, j’arrive et je m’arrête net. Mince, il pleut ! Je remonte en courant chercher mon parapluie, j’appelle l’ascenseur mais il est occupé, je monte les escaliers deux par deux, je prends les clés de mon pantalon, mais, zut ! elles tombent par terre, soudain, pas de lumière sur le palier, je me mets à genoux, je tâtonne, je ne trouve pas, je tâtonne à nouveau, je sens quelque chose, je le prends, c’est visqueux, c’est chaud, ça sent mauvais. Et ben, le chien du voisin a encore fait ce qu’il ne fallait pas ! »

*LE GRAND SULTAN

Respectant le niveau de langue des profs de français participants au stage de Santiago, nous avons utilisé le jeu du « Turban du Grand Sultan » pour ne pas briser le caractère ludique du stage. Nous ajoutons une proposition avec la même finalité, mais qui convient davantage au groupe scolaire ciblé, 12-13 ans, niveau A-1

Le but de cet exercice sera de faire travailler la mémoire et la concentration des participants.

Chaque élève annoncera une couleur qu’il se donne, différente de celle des autres. Le meneur lancera l’exercice en accusant quelqu’un dont il doit se souvenir de la couleur: « C’est toi, le méchant turc, aux babouches blanches, à la ceinture blanche et au turban blanc, qui a volé le turban du grand sultan »

La personne interpellée répond, en accusant à son tour quelqu’un d’autre :

« Ah, non, ce n’est pas moi qui ai volé le turban du grand sultan ; c’est toi, le méchant turc aux babouches rouges, à la ceinture rouge et au turban rouge, qui a volé le turban du grand sultan »

Remarque : c’est au meneur de vérifier que toutes les personnes ont pu jouer.

Variante pour des élèves de niveau A-1 : « Pour mon anniversaire, je voudrais…. »

Chaque participant devra dire à haute voix la liste des cadeaux que les autres viennent de dire et ajouter le sien. L’animateur pourra toujours venir en aide des élèves avec des repères de vocabulaire et de phonétique.

*LES CHAISES

Si on envisage un spectacle scolaire en français langue étrangère, nous allons nous rendre compte que, à un moment précis, nos élèves ne peuvent pas dépasser leur manque de moyens linguistiques, d’où l’importance d’apprendre à s’appuyer sur la gestuelle, individuelle ou groupale, pour compléter notre pièce et arriver au public. Le but de cet exercice est le mouvement choral sans regards : une énorme concentration, un grand travail de groupe, et une bonne écoute des autres seront nécessaires.

On installe cinq chaises face au public avec cinq participants assis. En position neutre et le regard posé sur le public, on leur demande d’exécuter en même temps les mouvements nécessaires pour se lever et s’asseoir sur la chaise de leur gauche. Ensuite, on leur demande de s’entraîner par groupes pendant quelques minutes et on montre aux autres. Au début, il faudra utiliser un rythme, pour après le faire sans l’aide sonore extérieure, en écoutant les autres, en étant très attentifs aux autres, de façon à ce que le groupe bouge en même temps sans se donner la consigne.

Une fois que le groupe est arrivé à la synchronisation parfaite par le seul moyen de « se pressentir », la force de la scène est énorme et montre bien à quel point le public peut être touché par ce type de messages sans paroles.

*INTRODUCION DU TEXTE.-

Dans tout parcours d’atelier théâtre, il arrive un moment où l’animateur présente un possible texte à être joué, qui pourra intégrer la prochaine pièce, ou qui sera le scénario complet de la pièce finale. Pour les professeurs de français de Santiago, jouant le jeu d’élèves à niveau faible de français, nous avons proposé un texte en basque.

Txoria Txori Mikel Laboa

Hegoak ebaki Banizkion, nirea izango zen, etzuen  alde egingo,

Si je lui avais coupé les ailes, je l’aurais eu, il ne se serait pas échappé

bainan horrela  ez zen gehiago txoria izango (bis)

Mais, il n’aurait plus été un oiseau

eta nik txoria  nuen maite, eta nik txoria nuen maite.

Et moi ce que j’aimais, c’était l’oiseau (La ra la …) 

D’abord, ils ont ressenti dans leur peau le manque d’assurance que nos jeunes peuvent avoir face à des répliques qui pour nous sont très faciles. Puis, on leur a montré comment le texte allait être découpé, distribué, joué et mémorisé ensemble par des jeux en atelier. Le découpage répondra à des mots phoniques ayant une intention qu’on fera assimiler à chaque participant. Comme nous avons vu lors du stage, si jamais un élève a une grosse difficulté avec son texte, on propose à quelqu’un du groupe d’échanger volontairement avec lui.

Hegoak ebaki  //  Banizkion  //  nirea izango zen //  etzuen  //  alde egingo

bainan horrela  // ez zen gehiago //  txoria izango

eta nik txoria  //  nuen maite //  eta nik txoria  // nuen maite.

Le découpage du texte rassure les élèves qui comprennent que la difficulté sera surmontée grâce à l’effort de tous les intégrants de la troupe, ce qui renforce l’idée de groupe, si nécessaire à cette aventure théâtrale. Nous attirons votre attention sur le danger de faire apprendre le texte de la pièce « à la maison », car la prononciation, l’intonation doivent se jouer en même temps que la mémorisation du geste qui accompagne la parole ; autrement, la correction postérieure s’avère  bien plus difficile.

Mais, comment faire assimiler le texte ?

Il existe toute une batterie de petits jeux de groupe servant à ce propos, où le texte est repris constamment, sans perdre jamais le caractère ludique nécessaire.

Dans un premier temps, tout en occupant l’espace, au toc du meneur, on s’arrête et on dit son texte à la personne la plus proche, comme s’il s’agissait d’un miroir. Après, dans un deuxième temps, on peut donner un numéro à chaque participant et leur demander de marcher ; au toc, le meneur fait dire son texte à haute voix au numéro désigné. Même chose avec le groupe immobile et dos au public, on propose aux élèves de se retourner vers le public pour dire leur texte. Avec l’exercice de « la statue », on peut aussi faire dire le texte à l’élève et de venir adopter une nouvelle position immobile devant, tout en s’approchant de ses camarades, formant ensemble une statue.

Un autre exemple, qui exige la transmission des sentiments en même temps que la mémorisation du texte. On divise la salle en petits espaces auxquels on associe un état d’âme différent : la joie, la tristesse, le marchand qui crie sa marchandise, la voix métallique de la gare, le chœur de l’église, …… les élèves feront le tour des différents endroits en réemployant leur texte sur les tons désignés.

Il est également possible de faire intervenir dans le même but un des instruments le plus puissant de l’acteur, la voix. Par exemple, pour travailler la projection de la voix, on attire l’attention des élèves sur leurs possibilités vocales, et on leur demande de s’exercer sur le message chuchoté, crié, dit avec un ton moyen, ou même articulé. À noter que le muscle des cordes vocales étant assez délicat, il faudra veiller à un échauffement préalable et à une utilisation correcte de la respiration.

*ET MOI JE TE DIS QUE OUI…

Et moi je te dis que non » Voilà le seul texte d’une conversation à deux, à laquelle on va proposer de se lancer à nos élèves, sans connaître la fin, comme dans une sorte d’improvisation. La consigne donnée à chaque participant sera d’être très attentif aux propositions de l’autre personne, saisies à partir de l’intonation, le ton de la voix…. Le but sera d’improviser une discussion où les sentiments de l’autre, le conflit qui pourra être dévoilé seront plus importants que le texte lui-même.

Si les élèves prennent conscience que les sentiments exprimés peuvent très bien être perçus du public, sans le renforcement des paroles, nous pouvons être satisfaits.

Et pour conclure…

La séance pratique « Coup de Théâtre » menée à Santiago et expliquée ci-dessus prétendait montrer aux profs participants comment, d’une façon très simple, il est possible de s’amuser avec les élèves, animer un atelier et, peut-être, de montrer une pièce à la fin de l’année. Tout en étant conscientes que le temps a été court,  nous espérons leur avoir donné au moins envie de recommencer, de participer à d’autres formations pour enrichir leur bagage théâtral et augmenter leurs ressources pratiques vis-à-vis du groupe scolaire.

Si l’expérience peut être utile, nous aimerions les rappeler, vous rappeler, que nous avons, il y a très longtemps, participé pour la première fois à un stage comme celui-ci, que nous avions beaucoup de doutes, et que nous avons eu besoin de quelques formations avant de nous lancer à cette aventure et de la proposer à nos élèves. Pour cette raison, si vous ressentez une petite envie de faire du théâtre en milieu scolaire, nous vous encourageons à la mettre en pratique. Les bénéfices ? Vous les ressentirez autour de vous, chez vos élèves et chez vous.

Pour finir, nous voudrions remercier les profs galiciens participants pour leur générosité à se montrer aux autres et pour leur disponibilité ; nous en garderons un très beau souvenir.

 

Boa sorte, vemonos no teatro

 

*Voir la bibliographie théâtrale sous la rubrique « Présentation du Projet COUP DE THÉÂTRE »

 

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